Agnès dédie, à ses chères Caraïbes qui sentent le rhum et le Cresyl, quelques mots ancrés dans ses gènes.

Moi pas parler créole

Moi pas pleurer

Je parle pas créole

J’ai jamais su

On m’a pas appris

Je saurai jamais parler.

 

Ils se mettent en place

Pour la photo

Photo de famille

Chemises blanches

Souliers vernis, l’œil affamé

L’œil épuisé, cheveux lissés, défrisés

D’enfants noirs dociles, du noir soumis

D’enfants d’huissier, enfants propres

Missel en main pour la photo

Pour la photo

Pour la photo d’avant la messe

Avant la messe

Ils sont là, mon père, ses frères, ses sœurs

Ils sont là, dans ces Antilles années 50

Filles et fils d’huissier.

 

C’est là que je les voudrais libres, précisément courant, plongeant

Mangeant des mangues, des goyaves, des quénettes

C’est là qu’ils sont et que tout commence

Je les voudrais libres

En cet instant c’est là qu’ils se mutilent, se mangent les mains, se donnent des coups

Les Antilles en 50, Monsieur, c’est les coups

 

Moi pas parler créole

Moi pas pleurer

Je les voudrais libres.