Le texte exprime l’admiration de l’auteur pour la peinture de Sophie Jouve, qui lui rappelle la littérature de son enfance et nous offre une évasion poétique. Henri Zalamanski souligne la dimension spirituelle et éternelle de l’art qui résiste à la laideur du monde.

Il est des livres qui ont marqué notre enfance… L’Ile mystérieuse… 20.000 lieues sous les mers…  Ce vertige de gouffres et de cavernes nous enchantait, nous plongeant dans un absolu à la mesure de nos rêveries, un domaine insondable de sanctuaires et de forêts marines que n’entachait aucune souillure. Nous y trouvions le refuge idéal où combler nos premiers émois, notre soif d’infini et, dans les éblouissements de nos sommeils, s’ouvrait un monde d’avant le déluge, d’avant les célestes colères… Le paradis, un instant retrouvé par le charme d’une lecture….

La peinture de Sophie Jouve nous fait redécouvrir le royaume des splendeurs océanes, la saveur ancienne des abysses, des algues, des bourrasques. Elle nous mène – non, certes, pour s’y perdre – vers les sources de la mer, vers les plages de silences, de murmures. Parfois, la roue d’or de l’aube la traverse, perlée des rosées de la nuit, brouillée de pluies d’écumes et d’embruns. Parfois l’horizon s’empourpre du sacre d’un soleil, enflammant le paysage de ses torches d’incendies. De ce voyage au long cours parmi les hautes marées, les bondissements des falaises et des houles, nous gardons, gravée sur l’épaule, une empreinte étoilée – comme la griffe d’un savoir.

Toute une vie

Cette peinture est une retraite sous le cloître d’un monastère englouti, qui résonne de psaumes, d’orgues et de clarines, sous les voûtes d’une chapelle secrète où l’âme exulte… On le sait pourtant, l’aube se déchire vite lorsque point le jour et nos escapades, nos envolées, sont de brèves lueurs que dissipe la lumière crue.… Merci à Sophie Jouve d’avoir fait déferler sur ses toiles ses vagues heureuses pour que nos aurores ne s’estompent à jamais, d’y avoir déployé ses salubres orages, ses embellies, d’y avoir accroché, contre la disgrâce qui est notre lot, ses bouquets de fleurs sauvages, ses éclaboussures d’éternité.