Françoise peint la vie sans projet, sans distance, en “mangeant les arbres”. Elle renouvelle ses sensations, partage ses paysages sans paroles et exprime sa liberté, sa mémoire et son inconscient dans des œuvres qui défient les normes et les conventions.

Comment échapper à l'ordre du discours, garder le geste libre, vouloir sans cesse, comme Picabia, s'approcher de la vie, sans projet, sans distance, jusqu'à "manger les arbres" ?

L'oubli est à cet égard une seconde innocence qui renouvelle la fraîcheur de la sensation et établit paradoxalement des relations avec une mémoire essentielle. Avec le souci de l'accueil imprévisible des possibles, Françoise Bertsch défait avec constance ses apprentissages. L'itinéraire modèle de ce peintre passionné de dessins, depuis l'Ecole des Beaux-Arts de Bourges et ses premières expositions dans les années 70, prend ainsi ses orientations "comme on emprunte un sentier découvert par hasard, puis un autre...".

Peintre de la nature, s'accordant opportunément avec une écorce, une pierre ou les mouvements discrets des plantes, elle partage, sans intentions démonstratives, la douceur et la colère de ses paysages sans paroles. Dans la promenade interrompue, le regard fait le point et soupçonne, dans le motif végétal, dans la fibre, des gestes de lutte, des tendances. Grande voyageuse, Françoise Bertsch réserve à sa Bourgogne natale la série de ses effarements éblouis : "J'ai là, dit-elle, mon Afrique, mon Asie, ma violence et ma paix...".

C'est par ruptures successives, selon une évolution qu'elle juge "toute naturelle", qu'elle se porte peu à peu vers l'abstraction.

"Une abstraction narrative, s'il faut lui donner un nom, car pour chaque toile, je raconte un drame vécu. L'abandon de toute référence au concret ne doit pas rendre le tableau moins lisible, comme on dit. Il y a trop d'irrationnel en nous pour que nous ne saisissions pas les termes informels inspirés par l'inconscient...".

Françoise Bertsch

Une incertitude élémentaire, ou au contraire la surprise d'une tentation, interviennent dans le jaillissement des lignes et la confrontation des contours, composés apparemment sans contrôle. Ce sont là pourtant des désordres bien organisés, où tout finit par s'équilibrer, même un trait furieux comme un coup de griffe avec une masse discordante et asymétrique comme un défi.