Geneviève Besse est de ces artistes qui ont vécu plusieurs vies en une. Transmission, création, poésie, peinture : un parcours marqué par le geste, le temps et l’attention portée aux autres, où l’art n’a jamais cessé d’être une expérience vivante. Entrées en matière.

Il y a des artistes qui commencent tôt.
D’autres qui commencent plusieurs fois.

Geneviève Besse fait partie de ceux-là.

Pendant près de trente ans, avec son mari André, elle a ouvert un lieu.
Un vrai.
Un atelier vivant, bruyant, traversé de gestes maladroits et de regards concentrés.
L’Atelier Besse, à Tours, devient dès les années 1960 un territoire pionnier : on y apprend en faisant, on y regarde sans hiérarchie, on y transmet sans imposer. Les enfants y entrent comme on entre dans un laboratoire sensible. L’art n’y est jamais un savoir figé, mais une expérience à éprouver.

Dans ce même espace, les œuvres circulent. Picasso. Braque. Miró. Giacometti. La lithographie contemporaine dialogue avec l’enfance, l’exigence avec la liberté, la création avec la transmission. Bien avant que le mot ne s’impose, Geneviève Besse invente une forme de médiation culturelle profondément humaine : généreuse, ouverte, intuitive.

Puis, autour de la soixantaine, quelque chose bascule. Non pas une rupture.

Un déplacement.

Geneviève Besse se retire de l’atelier pour entrer pleinement dans sa propre histoire d’artiste. Elle ne quitte pas le monde : elle le condense. Forte de décennies de rencontres – plasticiens, écrivains, poètes –, elle commence à élaborer un langage personnel, fait de signes, de fragments, de rythmes et de silences.

Son travail se déploie alors dans un rapport intime au temps.
Un temps non pas nostalgique, mais fertile.
Un temps à habiter pour inventer l’avenir.

Peintures de grand format, gestes instinctifs, champs colorés traversés de traces, de lettres, de cartographies mentales.
Le texte n’est jamais illustré : il est déplacé, fragmenté, mis en tension.
Les mots deviennent matière.
Les lettres, paysages.
L’écriture, un geste avant d’être un sens.

Parallèlement, Geneviève Besse réalise de nombreux livres d’art, souvent conçus en étroite complicité avec des poètes. Bernard Noël, Saint-John Perse, et d’autres encore. Des correspondances naissent, des dialogues s’installent. Ce sont des œuvres à quatre mains, où la peinture ne commente pas le poème, mais en épouse les méandres, les ratures, les zones d’ombre.

Son travail évoque parfois une forme de primitivisme contemporain : signes archaïques, calligraphies inventées, spatialisation du temps.
Une mosaïque de temporalités.
Une mémoire qui ne s’accumule pas, mais circule.

Chez Geneviève Besse, l’espace est toujours traversé.
Le temps, jamais linéaire.
L’œuvre, profondément hospitalière.

Peut-être parce qu’elle a toujours su se tourner vers les autres.
Peut-être parce que transmettre n’a jamais été, pour elle, une parenthèse, mais une manière d’être au monde.

Créer, pour Geneviève Besse, n’a jamais été finir quelque chose.
Créer, c’est commencer encore.